l’école sociotechnique et ses apports à la théorie des organisations

l’école sociotechnique s’est développée en Angleterre à partir des années 1950 au Tavistock Institute of Human Relations, créé en 1947.

Ses principaux représentants sont Emery, Trist et Rice. Cet institut avait pour objectif de rassembler des scientifiques d’horizons divers pour étudier les groupes et les organisations.

Cet institut existe toujours. Il organise des formations, promeut la recherche et a également des activités de conseil. Abraham (2013) propose une synthèse de l’apport de cet institut au management d’aujourd’hui.

L’analyse sociotechnique trouve ses fondements dans la psychologie, la sociologie du travail et les sciences de l’ingénieur. Ses travaux mettront l’accent sur les petits groupes, ce qui témoigne de l’influence de l’école des relations humaines, et l’interdépendance entre les facteurs techniques et humains dans le travail, ce qui est caractéristique d’une approche systémique.

Les principes de l’école sociotechnique

Cette école propose une nouvelle approche de l’organisation qui combine les apports de la systémique, ainsi que de l’école des relations humaines. L’organisation est appréhendée comme un système sociotechnique ouvert.

L’organisation est donc influencée par son environnement. L’école sociotechnique met également en avant l’importance de la composition des groupes de travail, tout en soulignant le rôle de la technologie.

Par ailleurs, le social et la technique interagissent. L’étude des petits groupes ne peut être limitée à l’analyse des caractéristiques de leurs membres, car la technologie définit un cadre. Si la technologie est contraignante, elle n’impose pas pour autant un mode d’organisation unique.

Il n’existe donc pas de one best way, ce qui remet en cause non seulement les principes tayloriens relatifs à l’OST, mais aussi les conclusions des théoriciens de la contingence structurelle sur la prédominance de la variable technologie.

La performance de l’organisation dépend donc de l’optimisation conjointe du système technique et du système social. Plusieurs études sont à l’origine de ces principes.

Les travaux fondateurs de l’école sociotechnique : Trist, Bamforth et Rice

Les travaux de Trist et Bamforth

Trist et Bamforth (1956) ont été les premiers à souligner les interactions entre le social et la technique. Ils ont mené des expériences dans une mine de charbon où ils ont étudié l’activité d’extraction du charbon. Ils ont montré que la mécanisation du travail seule ne permettait pas d’augmenter la productivité et qu’une même technique pouvait conduire à différentes organisations du travail.

Avant la mécanisation, l’organisation du travail consistait à avoir un petit groupe de mineurs formé de membres qui s’auto-sélectionnaient. Ce groupe était responsable de son travail et les membres étaient payés à l’identique sur la base de la productivité de leur groupe. Il existait donc une forte cohésion interne.

Chaque équipe se succédait et poursuivait le travail que l’équipe précédente avait laissé. Suite à l’introduction de l’abattage à la machine sur une surface longue et du transport mécanisé du charbon à la surface, une nouvelle organisation du travail fut adoptée qui amena une division du travail entre et à l’intérieur des équipes. Cette nouvelle méthode brisa la polyvalence des mineurs et conduisit à séparer le paiement de chacun de la performance collective.

Ainsi, la forte intégration sociale qui avait caractérisé les petites équipes avait disparu. La productivité déclina, des rivalités et conflits entre groupes (et entre qualifications dans les groupes) se développèrent et l’absentéisme augmenta pour certaines catégories de personnel.

Les chercheurs découvrirent que d’autres puits n’avaient pas adopté cette nouvelle organisation du travail de type taylorien suite à la mécanisation. Dans ces puits, les équipes continuaient à s’auto-sélectionner, pratiquaient la polyvalence et s’organisaient elles-mêmes. Il n’y avait pas de division du travail entre les équipes ; chaque équipe exécutait les tâches successives en répartissant elles-mêmes ses membres dans les différentes opérations et en se réorganisant à chaque changement de tâche.

En comparant l’organisation du travail dans ces différents puits à la suite de la mécanisation, les chercheurs ont donc observé que la productivité n’augmentait que si les différentes équipes se constituaient elles-mêmes et conservaient leur autonomie dans la répartition des tâches.

Suite à cette observation, les chercheurs réalisèrent plusieurs expérimentations en accordant plus ou moins d’autonomie aux équipes. Ils constatèrent à nouveau que les équipes autonomes avaient une meilleure productivité, un meilleur moral et étaient moins sujettes à l’absentéisme.

Ainsi, l’importance des groupes autonomes a été mise à jour, mais aussi le fait que différentes organisations du travail sont possibles avec une même technique. Pour augmenter la productivité, il est essentiel d’optimiser le système technique, mais aussi le système social.

Les travaux de Rice

L’expérience de Trist et Bamforth donne ainsi naissance à l’école sociotechnique. Par la suite, Rice (1958) démontre également les interactions entre le social et la technique. Il a étudié une usine textile en Inde au moment de l’introduction de métiers automatiques.

Malgré le remplacement des métiers manuels à tisser et l’introduction d’une division du travail, les effets sur la productivité étaient limités. Les rapports entre ouvriers et encadrement paraissaient cependant bons.

L’expérimentation conduit à changer l’organisation du travail en accordant plus d’autonomie à un groupe (au lieu d’augmenter la spécification des tâches et la supervision).

Ainsi, un groupe de salariés devient responsable pour un groupe de métiers avec un certain degré de partage des qualifications. Dans ce cas, la nouvelle organisation a eu des effets positifs sur la qualité et la productivité.

Cette expérience illustre à nouveau l’existence de différentes organisations du travail malgré l’utilisation d’une même technique et souligne l’importance de l’autonomie des groupes de travail. Ces deux recherches fondatrices montrent ici le rôle central donné à la recherche-action par l’école sociotechnique.

Les apports et prolongements de l’école sociotechnique.

Le principal apport de l’école sociotechnique est d’avoir appréhendé l’entreprise comme un système sociotechnique. L’organisation du travail et ses résultats ne dépendent ni de la technologie seule, ni de la situation psychologique et sociale seule des hommes au travail.

Elle dépend des deux : organisation sociale et organisation technique interagissent et s’influencent réciproquement. En effet, la technologie définit un cadre, qui pose des limites au type d’organisation possible ; mais il reste une marge de choix possibles entre différents types d’organisation.

Il peut exister différentes manières de s’organiser qui s’appuient sur des combinaisons socio-productives différentes. On voit ici à la fois une remise en cause des principes de Taylor en faveur d’une organisation scientifique du travail et d’un one best way, mais aussi de la théorie de la contingence (rôle de la variable technologique).

Par rapport aux théoriciens de l’école des relations humaines, cette approche a l’avantage de prendre en compte les contraintes techniques. En effet, les contraintes techniques et sociales réagissent les unes sur les autres.

L’efficacité de l’organisation dépend de l’optimisation conjointe des dimensions techniques et sociales. L’analyse sociotechnique constitue donc une approche globale et en ce sens systémique de l’entreprise. Il est possible ici de reprocher à l’école sociotechnique l’absence de méthode standardisée ou de préconisations, mais la nature interventionniste de cette approche ne s’y prête pas.

L’analyse sociotechnique est tournée vers les besoins de l’homme au travail tout comme l’école des relations humaines, mais va plus loin qu’elle, en soulignant l’importance de la participation des salariés dans l’entreprise.

L’autonomie donnée aux salariés leur permet de s’organiser spontanément en groupes, en prenant en compte à la fois les besoins des individus qui les composent et les impératifs de la production. L’idée d’une démocratie industrielle est ici en germe.

Cette école a eu une grande influence sur la promotion des groupes autonomes et semi-autonomes de travail, ainsi que sur le courant de l’amélioration de la qualité de la vie au travail.

Les travaux du Tavistock Institute de Londres sont à l’origine des nombreuses expériences industrielles d’organisation du travail en groupes semi-autonomes à partir des années 1970, qualifiées souvent comme de Nouvelles formes d’organisation du travail (NFOT).

Ces équipes sont constituées par des groupes de salariés sans responsable hiérarchique, chargées de réaliser la production de tout ou partie d’un produit, en ayant la responsabilité d’organiser et de répartir en son sein le travail.

L’exemple le plus significatif, est celui de l’entreprise Volvo qui donna naissance à ce que l’on a appelé le modèle suédois d’organisation du travail, par opposition au modèle américain fordiste.

En définitive, la théorie sociotechnique montre que, pour une technologie donnée, il peut exister plusieurs organisations possibles de la production, et non pas une seule comme le préconisaient Taylor et Ford. Cette école de pensée s’appuie également sur une plus grande expression et participation des salariés dans l’entreprise que celle envisagée par Mayo et le mouvement des relations humaines.

Conclusion

Née au milieu du XX siècle, l’analyse sociotechnique rencontre toujours un fort écho.

L’analyse sociotechnique a été essentiellement associée à la constitution de groupes autonomes de travail et ce modèle d’organisation du travail a rencontré des limites.

Mais les apports de cette analyse vont bien au-delà. Faut-il parler de la fin de l’analyse sociotechnique ? Même si elle s’est développée dans un contexte industriel et que les entreprises ont beaucoup changé, certains notent que ses principes sont aujourd’hui toujours pertinents et parlent de sa renaissance (Eason, 2008).

Son cadre théorique est en effet de plus en plus souvent mobilisé dans le champ de la recherche en matière de nouvelles technologies de l’information et la communication. Elle constitue ainsi toujours une référence en matière de changement et développement organisationnels.

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